Un nouveau souffle pour la collaboration franco-chinoise

13/04/2023, par Chunyan Li

Emmanuel Macron est revenu de Chine les bras chargés de contrats. Accompagné d’une cinquantaine de chefs d’entreprise français, il est chaleureusement accueilli dans l’Empire du Milieu. Après trois ans de pandémie, arrive enfin le moment de poursuivre les partenariats entre les deux pays.

Opportunités et défis

En mars dernier, le Bureau national chinois des statistiques a publié des données macroéconomiques internes montrant que les principaux indicateurs économiques sur la production industrielle, la production de services et les biens de consommation de base des deux premiers mois se sont améliorés par rapport au mois de décembre de l’année dernière. Toutefois, la Chine subit encore une grande pression économique, avec un taux de chômage qui a atteint 18,1% pour les 16-24 ans. En plus de cela, des défis se posent aussi sur la relance du secteur immobilier, et sur le rétablissement rapide de la confiance des consommateurs et des investisseurs privés – domestiques ou internationaux – vis-à-vis du marché chinois.

Si la Chine souhaite maintenir sa stabilité économique et sociale, elle doit continuer de « s’ouvrir au monde », ce qui a d’ailleurs été très récemment souligné dans les discours officiels chinois. Le retour récent de Jack Ma en Chine, après plus d’un an de séjour à l’étranger, semble également transmettre un bon message au secteur privé. « En ce moment, on assiste à une phase de séduction de la part des autorités chinoises, qui envoient énormément de messages positifs pour attirer les investissements étrangers. Il y aura certainement des provinces ou des villes chinoises qui feront des listes de facilitation pour l’implantation des entreprises étrangères », observe Christophe Lauras, président de la CCI France Chine et directeur des opérations du groupe Accor en Chine.

Toutefois, « ce sera un grand défi pour le gouvernement chinois dans les prochaines années de montrer aux investisseurs étrangers que la prévisibilité existe et est possible en Chine, et de se donner un mode d’emploi fiable », commente Ludovic Weber, directeur de la région Asie-Pacifique de Saint-Gobain. « Ces trois dernières années nous ont aussi rappelé que la Chine pouvait être imprévisible. Même s’il peut être possible d’expliquer a posteriori nombre de ces décisions en se rattachant à des grandes lignes directrices, les décisions prises concernant l’industrie technologique, l’éducation, ou encore le Covid, sont lues par les investisseurs étrangers comme une grande imprévisibilité des affaires », poursuit-il.

En dépit de quelques facteurs incertains, la reprise de l’économie chinoise pourrait s’accélérer et atteindre un taux de croissance de 5,7% en 2023, selon un rapport récent de KPMG Chine. Dans tous les cas, le marché chinois reste incontournable pour de nombreuses entreprises occidentales. Malgré l’influence des enjeux géopolitiques sino-américains, le potentiel des affaires franco-chinoises reste encore à explorer. Comme le décrit Christophe Lauras : « Je vois beaucoup d’opportunités pour les entreprises françaises qui souhaitent se développer en Chine. Elles ont une vraie valeur ajoutée dans différents domaines comme le luxe, les secteurs aéronautiques ou agroalimentaires… ou encore, dans le développement durable et la décarbonation de l’économie, où les entreprises françaises de différentes tailles développent beaucoup de technologies, possèdent des processus testés et approuvés et un vrai état d’esprit tourné vers un avenir vert. »

Ce ressenti est partagé par Ludovic Weber : « L’objectif clair et ambitieux que donne la Chine en termes de durabilité s’aligne avec les intérêts du pays, du fait des coûts majeurs qu’elle subirait si elle ne prenait pas d’actes forts : montée des eaux avec beaucoup de mégapoles côtières, stress hydrique, etc. » Cela fait référence à l’objectif double de la Chine d’atteindre le pic carbone avant 2030 et la neutralité carbone avant 2060. Dans le cas de Saint-Gobain, « cela nous offre de belles perspectives de croissance de nos solutions pour la construction durable, les véhicules électriques, les céramiques haute performance pour les vitrages photovoltaïques, ou encore les fibres de verre pour éoliennes, etc. », se réjouit-il. En résumé, « un développement plus qualitatif sur le plan des standards, du respect de l’environnement ou des classes les moins aisées ».

Plusieurs changements majeurs

En revanche, trois ans de pandémie ont conduit à plusieurs changements majeurs sur le marché chinois, d’où l’importance d’ajuster la façon de l’aborder pour s’assurer du succès. Voici quelques exemples.


Tout d’abord, la montée en gamme des marques locales, et notamment des entreprises publiques, qui a déjà commencé avant la pandémie et qui s’est accélérée durant le Covid. L’environnement économique est devenu aujourd’hui extrêmement compétitif – encore plus qu’avant -, ce qui se reflète même sur les réseaux sociaux chinois : sur Douyin (TikTok Chine), par exemple, il faut arriver à capter l’attention des internautes dans les deux ou trois premières secondes, sinon ils vont passer rapidement aux prochaines vidéos. « Neijuan », un terme populaire en Chine depuis 2020, qui veut dire « l’involution », vient d’un sentiment répandu d’être coincé dans une course de plus en plus épuisante. Dans ce nouveau contexte, il faut « arriver sur le marché chinois avec une vraie valeur ajoutée, sur la marque, le produit, la technologie ou le processus », souligne Christophe Lauras.


Ensuite, l’hyper-connexion au digital, encore plus qu’avant, des Chinois. En décembre 2022, le nombre d’internautes chinois atteignait 1,067 milliard, soit 75,6% de la population chinoise, par rapport à 904 millions et 64,5% jusqu’en mars 2020. Plus d’un milliard de Chinois utilisent aujourd’hui des plateformes de vidéos courtes. Parmi les internautes chinois, la proportion de ceux qui sont âgés de 50 ans et plus est passée de 16,9% à 30,8 % au cours de cette période. La transformation digitale continue dans toute la société, même dans les régions rurales.


Enfin, l’évolution d’esprit des jeunes Chinois, encore plus chez ceux qui sont nés dans les années 2000. Ils portent plus d’attention au bien-être, à l’équilibre travail-vie personnelle, à la qualité, à l’originalité ou à la personnalisation des produits ou des services. En particulier, le « Tangping », ou « s’allonger à plat », un terme Internet apparu en Chine en 2021, illustre l’attitude de certains jeunes qui rejettent les pressions sociales liées à la culture du travail. Ils se montrent aussi plus individualistes et moins soumis par rapport aux anciennes générations, et ils consacrent plus de temps à leurs centres d’intérêt. Tout cela nécessite une approche plus flexible et plus personnalisée dans la gestion des ressources humaines.

Face à un marché chinois « plus vert », « plus compétitif » et « plus digital », avec des jeunes « plus individualistes », êtes-vous prêts à remporter plus de succès en Chine ?

A bridge between

China and Europe