Comment collaborer efficacement avec les Chinois ?

26/06/2018, par Chunyan Li (article initialement publié par La Tribune)

Édouard Philippe, le Premier ministre français, termine sa visite en Chine, et nous espérons que cela va continuer à renforcer la coopération entre les deux pays dans de nombreux domaines. Il est temps également de se rappeler quelques clés pour collaborer efficacement avec les Chinois.

En France, face à une situation compliquée voire inextricable, ne dit-on pas : « c’est du chinois », ou, « le casse-tête chinois » ? Que faut-il donc faire pour bien travailler avec les Chinois ? Un vieux proverbe chinois dit, « Chercher un terrain d’entente tout en gardant ses différences ».

Des points communs

Tout d’abord, Français et Chinois partagent des points communs. Ils ont par exemple une longue histoire, une langue complexe avec beaucoup de nuances, une culture du « non-dit » – c’est-à-dire que tous les messages ne sont pas passés de manière explicite, mais avec des degrés différents -, la passion pour la gastronomie, l’importance accordée aux relations sociales, etc. De plus, la nature humaine reste toujours la même partout.

En revanche, des différences ou des nuances culturelles existent entre les deux mondes. Il faut les accepter, les comprendre, puis essayer de trouver des intérêts ou des points communs et s’adapter les uns aux autres.

Trois clés

Trois clés me semblent essentielles dans la collaboration avec les Chinois.

La première clé est la compréhension mutuelle : essayer de comprendre son interlocuteur sans préjugés, et ce dans les deux sens. Ce qui s’avère difficile est que, dans la nature de l’être humain, nous avons toujours tendance à évaluer quelqu’un venant d’une autre culture avec nos propres valeurs ou critères, sans toujours en prendre conscience. Se mettre à la place de l’autre demande donc beaucoup d’efforts.

Voici un exemple : en France, la gare pour une même destination reste toujours la même, tandis qu’en Chine, la gare pour une même destination peut varier, selon l’heure de départ ; le voyageur peut ainsi choisir une gare à proximité et ajuster son heure de départ. Ce sont deux logiques différentes, mais aucune n’est meilleure que l’autre.

Un autre exemple est que dans la culture chinoise, nous valorisons beaucoup le juste milieu, et essayons d’éviter d’aller à l’extrême. Selon un autre proverbe chinois, « Plus est égal à moins ». Une personne ou une chose n’a pas que des défauts ou que des qualités, on doit toujours regarder les deux côtés, comme le Yin et le Yang. Les Français, quant à eux, ont plutôt un fort esprit critique, avec une grande capacité à trouver des défauts ou des choses imparfaites dans tout ce qu’ils voient.

La deuxième clé est le « Guanxi », l’équivalent de la connexion ou du réseautage. Les Chinois attachent globalement beaucoup d’importance aux liens affectifs, plus que les Français qui gardent quand même une certaine indépendance dans leurs réseaux, mêmes avec leurs proches. Ainsi, pour construire et entretenir de bonnes relations avec les Chinois, il faut d’abord savoir apprécier les Chinois – si vous les détestez, il vaut mieux oublier l’idée d’une bonne relation ! Ensuite, il est fortement conseillé de devenir plus ou moins « amis » avec eux pour collaborer ou faire des affaires ensemble.


Dans la construction et l’entretien du « Guanxi », la connexion émotionnelle, la réciprocité et l’aide sont les mots clés. Les bonnes pratiques incluent, par exemple, d’éviter de faire perdre la face à un Chinois, d’investir beaucoup de temps pour bien se connaître, de se revoir souvent autour d’une table, pour manger, boire et rire ensemble. Un autre facteur essentiel est la réciprocité, car comme le précise un proverbe chinois, « la courtoisie nécessite la réciprocité. »

Plus concrètement, si j’aide aujourd’hui quelqu’un avec mes ressources et mes réseaux, la prochaine fois il devra me renvoyer l’ascenseur. S’offrir des petits cadeaux régulièrement fait aussi partie de cette réciprocité. Si je voyage à Beijing et que je revois quelques amis chinois, je dois normalement préparer un petit cadeau pour chacun d’entre eux. De leur côté, ils m’inviteront normalement aux repas lors de nos rencontres à Beijing.

En effet, la générosité et l’hospitalité sont très appréciées dans la culture chinoise. « Couper les cheveux en quatre » doit absolument être évité ! Il est très important de bien s’occuper de ceux qui viennent de loin. Confucius a dit, « N’est-il pas merveilleux d’avoir des amis venant de loin ? » Souvent, quand un partenaire chinois reçoit un partenaire français en Chine, il lui envoie une voiture privée à l’aéroport pour l’accueillir, planifie tous ses repas et les spectacles en soirées, et même des visites dans la ville pendant tout son séjour, puis envoie une voiture pour le raccompagner à l’aéroport quand il repart en France.

La troisième clé est le pragmatisme. En Chine, l’interprétation de l’efficacité est souvent liée à la vitesse – il faut prendre rapidement des décisions et aller vite, même en prenant parfois des risques. On teste puis on réajuste ses solutions en permanence. En France, le plus souvent, on prend le temps nécessaire pour bien discuter en amont avant d’engager des actions, pour analyser les causes et les conséquences, et réduire les risques. L’idéal, serait de trouver un juste milieu entre les deux styles, tout en restant réactif et flexible face aux Chinois.

Un autre exemple est que les Français planifient bien leurs rendez-vous, de quelques jours à plusieurs mois à l’avance. En Chine, à l’inverse, il est difficile de planifier quelque chose bien à l’avance, en raison du risque d’annulation de dernière minute. Il est même assez fréquent d’être prévenu d’une réunion la veille. Il est aussi possible de fixer un rendez-vous au dernier moment, même avec une personne haut placée.

Voici une autre anecdote. Un proverbe chinois dit qu’« Un canal se forme quand l’eau arrive ». En Occident, la méthode serait plutôt de construire le canal avant l’arrivée de l’eau. Alors que je gérais un projet de partenariat international entre un grand groupe français et un grand groupe chinois, on devait faire signer un contrat local entre les entités des deux parties, afin de permettre au partenaire français de passer des commandes localement. L’équipe de projet centrale a eu des difficultés à convaincre une partie des entités locales du groupe chinois de signer ces contrats dans les meilleurs délais, car dans leur logique, s’il n’y avait pas encore eu d’affaires, cela ne servait pas à grand-chose de signer un contrat en amont. En revanche, du côté français, le canal devait d’abord être construit, pour que tout soit prêt le jour où il y aurait des affaires !

Pour conclure, la compréhension mutuelle, le « Guanxi » et le pragmatisme sont essentiels pour décoder le « casse-tête » chinois !

A bridge between

China and Europe